Roman

466.

La narration est une horloge ouverte dont les ressorts deviennent vite monotones. Sauf par instants volés au mouvement des petites roues.

 

Tenez. Voici un petit bijou narratif à porter au bout du doigt. Piotrus, de Leo Lipsky aux éditions de L’Arbre
vengeur.
 

 

 

Essayez aussi, d’Arthur Bernard, On n’est pas d’ici, chez Cent pages, pour apprendre l’art subtil d’un récit qui ne cède
rien ou peu à la mécanique narrative. 

 

Entre le paléolithique supérieur et aujourd’hui, j’ai l’impression que l’imagination humaine n’a fait que servir la cause d’un romanesque plus ou moins
préhistorique.

 

Tous ces termes mériteraient d’être définis, redéfinis, puis à nouveau mixés, roulés en boule et cuits.

 

 

La langue de Rabelais s’est érodée au point de rompre ses amarres et voguer aujourd’hui vers nous par la senestre – l’oreille poétique. 

 

 

La poésie peut être narrative. La question n’est pas là.

 

 

Prenez Antelme. Tout y est narratif, tout y est puissant. Pas un mot de travers.
(Et en un seul livre encore.)


– Si vous voulez me plaire, faites-en autant, répondit le petit éditeur aux messagers venus déposer au pied du petit siège royal des romans exotiques aux saveurs
inconnues, usés par le voyage. 

 

401.

Dénoncer le pire pour rendre acceptable le médiocre.

382.

Comment imaginer les romans d’aujourd’hui sans plages pour les feuilleter  – nos voyages d’hier sans le Gide Michelin ?

 

« Le romanesque est le fonds de commerce des éditeurs sans imagination », aurait dit un petit éditeur indépendant promis à un avenir qui ferait
date.

 

Parmi les éditeurs généralistes, il n’y a guère que P.O.L. pour cultiver l’amalgame des genres, entre audace et facilité, poésie radicale et romanesque fade, l’une
autorisant l’autre, et toute la gamme intermédiaire, offrant ainsi aux libraires le portefeuille de lecteurs le plus ouvert qui soit sur le marché. Au bout du compte : un éditeur (un
tatoué).

 

Les éditions Verticales, où j’avais eu l’occasion de lire Giribone, Rebotier et Claro avec un enthousiasme ascensionnel, semblent aujourd’hui réduire
progressivement leurs choix à une écriture blanche, mise au service d’un romanesque liquide (Rosenthal/ Kerangal), aux apparences disruptives (Jallon), aux titres lumineux comme des enseignes
(Dès que tu meurs appelle-moi), alors qu’il serait urgent selon moi d’attaquer maintenant la syntaxe dans ses fondements, la littéraire à la racine du romanesque, la langue au risque de
l’illisibilité – pour dépasser enfin le stade oral – ne pas finir le pouce entre les dents.

 

– Le succès n’advient pas par hasard, répondent les armateurs de la littérature.

 

Certes.

D’accord et oui.

Mais quel amateur de littérature lit encore les romans publiés aujourd’hui aux éditions de Minuit ? se demandait David Marsac en contemplant le
mince et seul volume qu’il avait acheté en six mois. Ce volume fait-il pile ?

 

Les grands éditeurs sont bizarrement les premiers à promouvoir une littérature infantile. 

 

À la faveur d’un rapprochement inattendu sur la table d’un libraire, je me suis demandé en les feuilletant si Tatiana de Kerangal et Maylis de Rosnay étaient les
pseudonymes de la même romancière.

Le libraire m’a certifié que non.

La ressemblance était pourtant frappante.

 

La question mérite d’être osée. Que font les rennes après noël, les écureuils de Central Park et vous dans ce barnum vétérinaire ?

 

À partir de cent mille exemplaires vendus, le mauvais goût et l’insolence sont d’hygiène, pour ne pas dire de nécessité.

 

Le temps est maintenant venu de clore par quelques mots sur les arrière-gardes littéraires.

 

On débrancha David Marsac, puis on le mit au lit (r’huiler les engrenages).