Critique

1244. La voix des dindes

« Pour la troisième année consécutive, le réseau social du livre Libfly.com, Libr’Aire, l’association des libraires indépendants du Nord-Pas-de-Calais, le journal en ligne Mediapart et les organisateurs des Soirées mensuelles de la petite édition, s’unissent en vue de valoriser les parutions de près de 150 éditeurs indépendants francophones à partir du mois de septembre dans les librairies, bibliothèques, sur internet et ses réseaux sociaux.

Comme en 2012 et 2013, l’opération La Voie des Indés (Lisez hors-piste !) propose aux lecteurs, blogueurs et bibliothécaires de recevoir gratuitement un livre à partir du mois d’août 2014 en échange d’une chronique de lecture sur Libfly, sur leurs blogs et sur le site des libraires indépendants. Un forum dédié sur Libfly permet à chacun des éditeurs participants de présenter sa ligne éditoriale. »

Ce long mail, redondant et bavard, dont vous venez de lire les 1er et 3e §, est une illustration des dérives perceptibles du label dit indépendant. La chaîne du livre, à l’instar de la chaîne agro-alimentaire, a développé sa norme bio, écologique, respectueuse de la biblio-diversité. Lisez Indé, mangez bio, les deux sont compatibles et vous garantissent une transition énergétique vers une littérature sans effort ni fausse phrase.

La différence s’affiche d’emblée : Les coopératives bios vendent leurs produits sans les brader. Les Indés vous demandent des livres gratuits.

Le message est clair : les lecteurs et les prescripteurs de livres n’auront rien à payer. « La voie des Indés propose aux lecteurs de recevoir gratuitement un livre. » Les livres ne coûtent rien, les éditeurs s’engagent à vous les offrir. Vous n’avez qu’à les demander. Le statut de lecteur exige la gratuité.

– Dindon indépendant, compte tes plumes !

En échange, l’éditeur et l’auteur auront droit à un article mal fagoté de Marie-Claire, Lucie et Julien, lectrice, blogueuse et bibliothécaire à Berk, Beurk et Brouck. L’éditeur indépendant s’engage par ailleurs à répondre à la demande des journalistes qui aiment lire gratuitement.

À aucun moment, il n’est question sur le site de l’association d’acheter, payer, donner de l’argent, établir un virement, proposer des sous, tirer de sa poche un kopeck pour l’envoi de livres. L’indépendance n’a pas de prix.

Ces petites mains pleines de bons sentiments rentables et de services gratuits vous promettent une visibilité hors piste. 150 éditeurs enverront en moyenne 3 de leurs livres. Calculons. 3×150 = 450 livres sur la sellette indépendante, auxquels s’ajouteront les 6 ou 700 livres de la rentrée. Il n’est pas exclu que ce soit les mêmes et que l’on tourne en rond. Toupie pour toi.

Allez sur le site de Libfly.com vous rendre compte de l’esbroufe ou de l’escroquerie : les mêmes procédés conduisent aux mêmes choix.

À raison de trois articles illettrés sur des blogs sans audience, les éditeurs sont quasi assurés de recevoir trois nouvelles demandes de SP de la part de nouveaux illettrés conquis : vos livres ne valent pas même qu’ils se déplacent dans une librairie !

Le plus spectaculaire dans la transaction est la démarche insidieuse : ces petites fripouilles (« Mais on s’en fiche bien de sa vieille grand’mère, hein ? »), qui parasitent l’édition indépendante, récupèrent sur vos sites vos données, associant en loucedé vos livres à leurs manigances. Je ne suis pas responsable, me répond la responsable. La technique décide à ma place. Et voici Brodsky et Perrine Le Querrec attachés à la chaîne ouaf ouaf du livre indépendant.

J’ai naturellement vitupéré. La petite dinde du service com’ l’a très mal pris. Elle aurait aimé me voler dans les plumes. De toute évidence, mon indépendance ne valait pas la sienne. J’aurais dû m’associer à une si bonne idée, y contribuer, faire acte et preuve de militantisme, caqueter en cadence, me dandiner, danser au son des SP.

Gratuit-tuit ! gratuit-tuit ! gratuit-tuit !

Voilà qui est fait.

 

1226. Grimauds et critiques

Est-il encore possible en la secouant bien de lui faire lâcher prise ? d’écraser du talon le lecteur agrippé aux péripéties de sa serviette éponge ?

En réalité, la strychnine est déposée sur le fil élastique de nos SP. Tu ouvres le livre, t’es mort.

Les blogueurs littéraires entendent rester nos invités perpétuels, visant l’assiette et le cure-dent à vie. Puis rots et pets. « Merci ! »

Ce message ne s’adresse ni à Nathalie-Crom, ni à Jean-Birnbaum, ni au grimaçant François-Busnel de La Grande Librairie.

(Il s’adresse surtout aux ânimateurs du Matricule des rances.)

Vraiment, quelle rigolade, je viens de visionner en accéléré la dernière émission (de la saison, hélas) de La Grande Librairie. Je ne savais pas que ce type d’occlusion était encore possible : libraires indépendants, écrivains compromis, moralisme culturel et paresse des lecteurs.

Comment stimuler ce gros intestin ?

 

1223.

Notre apportons un soin particulier à la préparation de notre service de presse : 50 mg de strychnine sur le coin inférieur droit.

Comment se porte Éric-Loret ? A-t-on ranimé Thierry-Guichard ? Avez-vous des nouvelles de Jean-Birnbaum ? On a du mal à joindre Nathalie-Crom.

 

Seriez-vous condamnés à choisir vous-mêmes nos livres ?