Critique

1308. Rose moiteur

Je comptais lancer un débat orthographique. Il n’aura pas lieu. Correspondance avec l’ennemi est un livre piégé. Nous y avons laissé 13 fautes d’orthographe + une indécidable en 4e de couverture. Notre hommage à Pivot. Aucun grammairien ne s’est laissé tenter. Qu’en déduire ?

Sept chroniques, un articulet dans Le Matricard dérange, et pas un chroniqueur pour en parler. On vous l’a dit. La complaisance et l’incompétence ne seront jamais prises en défaut chez les critiques littéraires.

Dans une chronique qui frise l’autophagie lyrique (je me mange car je m’aime), un Monsieur Guillaume au patronyme moliéresque tourne autour de lui-même avec tant de passion qu’on pourrait croire qu’il cherche à s’enculer. Mais non. Il a ailleurs ses entrées. La revue L’infini lui sert de chausson. Sa complaisance a la même qualité. Non seulement ce Monsieur Jourde de la critique vante les mérites de ses propres écrits, « je trouve une belle mise en abîme de mon propre texte on line », mais il pousse l’incompétence jusqu’à louer la facture de cette Correspondance visiblement bâclée par l’Imprimerie Graphique de l’Ouest. Ouvrir les yeux parfois suffit. Contrairement à ce que suggère ce nouveau cyclope, ce sont souvent les petits éditeurs militants et fauchés qui délocalisent, rarement les « éditeurs industriels ». Imprimé en France, le dernier livre de Guillaume Musso est très beau, même sans fil.

La librairie française de Berlin où j’irai bientôt prendre des leçons de courtoisie répondait récemment  la chose suivante à notre courageux diffuseur :

Chère Madame,

À la suite de votre passage en librairie, nous revenons vers vous concernant le service de presse du livre Vingt sonnets à Marie Stuart que vous nous avez fait parvenir.

Malheureusement, cet ouvrage ne présente pas un potentiel commercial suffisant au regard des caractéristiques de Zadig.

Par conséquent, nous vous proposons de passer à la librairie pour venir le récupérer.

Bien à vous,

Signature illisible

La vie est rose dépecé.

1293.

Nous allons poursuivre notre travail de sape mieux armés que le djihadiste coupeur de tête et brûleur de temps.

Je vous propose une partie de football réversible (ça marche aussi pour le handball, la pétanque et la littérature).

Ça commence comme une vulgaire partie de mise en jambes sur un terrain quelconque avec des gars d’une même équipe + une équipe adverse en tous points identique. Vous venez pour en découdre. Les gars d’en face ont eu la même idée. Ça tombe bien, le public n’a pas non plus envie de rigoler. Chacun est prêt. Coup de sifflet et c’est parti, on occupe le terrain, les équipes se fendent d’un jeu prévu d’avance, ça dure quelques minutes accompagnées de commentaires sur l’élégance et les pantalons courts. Les rôles sont répartis, le match est quasi fait. C’est là que ça devient intéressant. Au moment de passer le ballon, moment improvisé et surtout arbitraire, balle au pied – STOP. Vous n’allez pas plus loin. Vous faites volte-face et c’est parti dans l’autre sens, le vôtre, tout schuss dans l’autre direction, vers les buts où le gars au milieu des filets n’en mène pas large, ne comprend rien à la situation, quelle est la stratégie d’un retour du ballon vers la case départ ? Le temps qu’il se pose la question en proie à des complications morales (Est-ce un métier arrêter des ballons ?), c’est le shoot frontal. Le bonheur intégral pour le prix d’un ballon. Le goal est sur le flanc. C’est but dans votre camp ! Le public s’en décapsule le fondement en hurlant à tout rompre des mots obscurs (il est question de meurtre en réunion), l’arbitre tente un Je suis joli ! qui n’émeut plus personne tandis que votre équipe commence à regarder dans votre direction d’un air qui prélude aux grandes explications.

Mais rien. Aucune explication.

Tant que la règle était de mise tout allait bien, dribbles à n’en pas finir, jeux de jambes et pectoraux saillants, coups de boule pour la galerie, hourras chronométrés, articles de complaisance : des équipes sans surprise et un score qui ne vaut pas l’effort de pousser le bouton de la télécommande (moins encore de s’abonner au Matricule des franges).

Alors que là, goal défait, public en larmes au milieu des gradins effondrés, et l’équipe qui rapplique à la vitesse d’une bavure policière, quelque chose advient presque aussi drôle qu’un scaphandrier au départ du 100 mètres papillon.

C’est le moment de tirer votre short à vos burnes et de trouver un point culminant fortifié d’où admirer la débandade du spectacle qui enfin commence.

*

Le sérieux de ces gens est confondant. Ils parlent de la vie comme s’ils venaient de l’inventer la bouche ouverte en prise directe avec leur cul.


1290. Sous le lit de Madame de Rênal

La meilleure manière de survivre à la vie est de plonger dans un roman et de ne plus en sortir. (Au lieu de mourir, faire le mort sous le lit de Madame de Rênal.)

 

La véritable épreuve du critique, c’est le classique. Car l’histoire de Julien, précepteur amoureux d’une échelle, se réduit vite à l’anecdote d’une tête qui roule dans les bras d’une grande blonde éplorée. Que dire dès lors qu’on a tout résumé ?

 

Décidément les Suisses. Homo faber de Max Frisch.

 

(C’est l’histoire d’un père qui couche avec sa fille.)