Critique

1282.

L’heure est grave. La confusion est à son comble. Imaginons ensemble un système de débats silencieux où chacun exprimerait ce qu’il pense de la liberté de se taire.

Tiens. J’ai sous les yeux les mails d’un écrivain qui parle à d’autres de ma personne en termes où la diffamation affleure. Je vous les réserve. Le moment venu, nous aurons une image plus exacte – moins caricaturale – de la liberté d’expression silencieuse Verbatim.

1247. Ainsi parlait Judas

Il est bon de suivre sa tête – en poussant devant, en courant derrière.

Ainsi le monde est un village dans lequel broutent et paissent d’héroïques bénévoles.

Et dire qu’il me trahit pour 30 kleenex ! Je me range aujourd’hui à l’opinion commune : traduire, c’est trahir.

Sinon.

La librairie Charybde, par la voix d’Hugues Robert il me semble, nous fait l’honneur d’un article excellemment fouillé sur les Vingt sonnets que Brodsky consacre à Marie Stuart. Le ton est juste, l’intelligence précise, l’accolade généreuse : notre tête roule d’enthousiasme.

 


1245. Revue et corrigée

Passion servile et livres mal servis.

La Revue 303, belle revue – j’ai sous les yeux le numéro spécial sur Jacques Demy – me demande à son tour des SP, pour inaugurer sa nouvelle formule. En soi, c’est une idée, la nouveauté ça change, ça remet les pages en mouvement, on sort des sentiers rebattus, le thème central, les belles images, le vieux Gracq dans sa bicoque bradée par les neveux, on change tout. L’idée nouvelle est donc d’ouvrir à la littérature les pages de la revue sous la forme de chroniques régulières. Je suis flatté d’être invité à y participer, d’y voir bientôt nos livres, ça m’émoustille, pensez-y, en échange de SP, cette fois, une fois de plus quand même, la revue les demande « afin que nous puissions parler de votre travail ». C’est amical. Cette formule est un gage de sérieux et vaut quasi article. C’est à Alain Girard-Daudon, ancien libraire, que reviendra, me dit la chargée d’édition, de faire la recension de nos ouvrages dans sa nouvelle rubrique, de nos ouvrages et d’autres. Girard-Daudon ?

Le nom ne m’est pas inconnu. Il m’est même familier. Et je dirais même plus. C’est aujourd’hui le nouveau président de la Maison de la Poésie de Nantes, auquel, quand il était libraire, je m’étais empressé par deux fois d’adresser nos premiers livres, en 2010, en 2011, envois gratuits, SP de droit et de coutume, avec lettre de motivation – motivé je l’étais – suivie de coups de téléphone à défaut de blessures volontaires. Il n’était pas intéressé à l’époque, c’est son droit, submergé je crois bien par des demandes tous azimuts, un libraire est très sollicité, un éditeur aussi, le premier par les éditeurs, le second par les manuscrits d’aspirants écrivains, les piles, le pilon.

Chacun devra porter sa chaussure en ce bas monde.

Du coup, que faire ? Girard-Daudon, en nouveau retraité président, a beaucoup plus de temps pour lire, me suis-je dit, qu’au temps où il était libraire, je le suppose sans certitude, quoique – je le connaisse aussi pour l’avoir lu dans la revue Encres de Loire, revue dédiée à la littérature et soutenue par la Région, où officie aussi Éric Pessan, et quelques autres, de la région, se recensant et s’encensant réciproquement, ou peu s’en faut, je fais un article sur ton livre, tu fais un article sur le mien, tu refais un article, je refais un article.

– Tu vas pas refaire un article quand même ?
– Mais si, je refais un rarticle sur un relivre de toi !

Du coup nos livres, promptement envoyés à cette revue, étaient listés (parus aux doigts suivi du titre), mais jamais recensés – encensés, je vous laisse déduire.

Alors du coup que re-re-faire ?

Les faire payer. Je leur ai proposé de payer les SP. Qu’eux les paient, les SP, pas moi ! Tu t’imagines, non mais ! Abuser du travail d’autrui. Autrui, c’est moi (demande donc tes chaussures en SP ou tes lacets en vente gratuite). Payer, n’est-ce pas une chic idée pour soutenir la création + relance de l’économie ?

Vous payez les SP, leur ai-je dit, avec remise de 60 % (je leur offrais gratis le livre paru avec soutien du CNL, on n’est pas des clébards sans collier quand même).

Depuis, pas de nouvelles. Les SP sont dans la remise. Je répète. Les SP sont.

Payer pour lire devient inacceptable. Dans la remise. Payer pour un libraire, payer pour un journaliste, payer pour un auteur qui vous envoie son manuscrit, payer un livre devient obscène et incompréhensible. Les lecteurs, les auteurs, les blogueurs, les chroniqueurs, ce sont souvent les mêmes, ne voient pas bien pourquoi ils paieraient les livres dont ils parlent dans un français plein de bonnes intentions alors qu’ils doivent déjà acheter leurs chaussures.

C’est un peu triste, bien sûr, d’en arriver à la remise. 60% a tout l’air d’une insulte et d’une mesquinerie. Je n’ai pas eu le courage de pousser la remise jusqu’à 100.

Je vous rassure. Le critique ne restera pas longtemps sans emploi. Eric Pessan publie bientôt un nouveau livre. De ce côté, je n’ai pas d’inquiétude. L’avenir de cette nouvelle rubrique dans la nouvelle formule de 303, belle revue – j’ai sous les yeux le numéro spécial sur Jacques Demy – est assuré. Alain Girard-Daudon, ancien libraire et nouveau retraité, est tourné vers l’avant, j’ai confiance, le bon côté de l’avenir.

(Le nôtre traîne un peu la chaussure.)

Car un article de 303, belle revue – d’une manière générale quelle que soit la revue – n’a aucune incidence sur les ventes, juste sur les amitiés et nos rêves d’accélération du temps présent. Un ou deux de nos livres entreraient à Vent d’Ouest, librairie fondée par Alain Girard-Daudon, ancien libraire, auteur et dorénavant président, c’est certain. Avec un peu de chance, deux lecteurs, deux distraits sans blog ni revue, achèteraient nos titres pour le plaisir, assorti d’une remise.

 Du coup que faire (et re-, et re-, et re-) ?

La plupart des articles que j’ai lus sont écrits plume éteinte et, en ce sens, ils sont l’exact reflet des conditions de leur publication. Les mêmes causes produisent les mêmes articles de complaisance sur des ouvrages connus d’avance.

À quoi bon un article sur Jean Rouaud signé Alain Girard-Daudon ? À quoi bon un article de Guénaël Boutouillet sur Eric Pessan ? De Gérard Lambert-Ullman sur X ? Le sens de ces articles ? À l’exception de Jean Rouaud, les recenseurs et les encensés sont membres du comité de rédaction de la revue Encres de Loire.

« Les bateaux sont tous coincés au port, sauf celui du père. Où est-il donc le père ? Ce père qui était ami avec un cormoran ; ce père si solide qui lui a tant appris. » (Le nom du rédacteur de cette phrase à fond plat figure dans Encres de Loire, Printemps-Été 2014, n° 67, p. 32, accessible en ligne.)

Plutôt le corps mourant du livre que ces lanceurs de frisbee.

 



Nous rappelons ici les précieux commentaires postés le 15 octobre 2014, sur notre site précédent, par nos amis bénévoles ; la migration vers OVH en mars 2015  en a perturbé l’exportation :


Eric Pessan 10-15-2014 18:41 1245.

Internet étant un village, les amis des amis de mes amis me disent d’aller voir ce post.

Que dire ?

D’abord qu’Encres de Loire n’existe plus.

Ensuite, que la revue paraissait chaque trimestre à l’issue d’un comité de rédaction où nous nous rendions bénévolement.

Peut-être dire que lorsque le livre d’un rédacteur de la revue était chroniqué, il était toujours précisé que l’auteur collaborait à la revue.

Qu’une revue sur l’actualité du livre en Pays de Loire s’est autorisée à parler de ce que font des auteurs vivants en Pays de Loire même si ces auteurs donnent de leur temps pour cette revue.

Que bien d’autres médias nationaux ne jouent pas carte sur table.

Qu’auteur, je lis et fréquente et connais des auteurs : c’est ce que je pourrais nommer « une famille » parfois, une bande d’amis souvent, un réseau sans doute.

Que j’invite parfois des auteurs que j’aime dans des théâtres ou des bibliothèques, parce que j’aime leur travail, justement.

Que je n’ai de leçons à recevoir de personne sur ma curiosité, sur mes lectures, sur mes découvertes, sur ce qui me pousse à acheter encore et encore des livres d’auteurs que je ne connais pas, à

être attentif à ce qui s’écrit.

Ah, si, une dernière chose : je trouve que 303 est une très belle revue (d’ailleurs, j’écris parfois pour elle).


andré markowicz 10-15-2014 19:45 1245.

Et, moi qui suis un auteur de chez nous, je trouve cet article inutile et méchant. J’en suis désolé.

Bien cordialement,

André M.


Romain Delasalle 10-15-2014 20:01 1245.

Bonsoir,

Pour info, juste en passant hein, vos livres sont disponibles à la librairie …

http://www.librairie-nantes.fr/listeliv.php?RECHERCHE=simple&LIVREANCIEN=2&MOTS=les+doigts+dans+la+prose&x=0&y=0

Bises à Alain, Eric et Guénaël


Guénaël Boutouillet 10-15-2014 20:32 1245.

bien le bonsoir,

j’irai donc rendre à votre admirable diffuseuse les deux SP des livres dont le Stuart, nous en avions elle et moi, de mon inittiative, convenu ainsi : que je lui rende ce que je peux ou ne veux
pas chroniquer (ben oui parce que sur mon blog, c’est de l’absolu bénévolat comme un certain nombre des choses que je fais, donc c’est quand je peux), pour ne pas amoidrir ses modestes ressources. Eh bien j’irai acheter le livre traduit par andré Markowicz (un ami, oui, dont j’admire le travail en dépit de cette amitié, puisqu’elles vous semblent incompatibles, ces deux notions), chez Vents d’Ouest, mais ne le chroniquerai pas, selon von bons préceptes, car en effet : « À quoi bon un article de Guénaël Boutouillet sur Adré Markowicz ? » Ainsi vous aurez fait une vente, c’est déjà ça. Mes félicitations. Guénaël Boutouillet.