1006.

« Ce livre est dédié à ma mère, avec amour et dévotion ; et à mon père, avec amour et admiration. »

 

Je refermai immédiatement cette œuvre pie. Puis me ravisai (Then thought better of it) :

 

« Il dormait nu, méprisait les sous-vêtements, mais une fois l’an, aux premières chutes de neige, il se trouvait toujours un caleçon long qui l’attendait
sur la chaise. Une année, il s’était moqué de cette protection : il avait attrapé une grippe doublée d’une pneumonie qui avaient mis sa vie en danger ; ce fut l’hiver où il se leva de
son lit de mort en délirant de fièvre, écœuré de sirops et de médicaments, pour tituber jusqu’au garde-manger et avaler une demi-douzaine de gousses d’ail, avant de retourner au lit et de chasser
la mort avec la sueur qui ruisselait sur son corps. Maria crut que ses propres prières l’avaient guéri. L’ail devint dorénavant la panacée de Svévo quand il était malade ; Maria maintint que
l’ail venait de Dieu, argument absurde pour que Svevo Bandini se donnât le mal de le réfuter.
 

 

C’est un peu long, ni vraiment détestable, pas tout à fait nul, de la lecture pour lecteur bio. C’est aujourd’hui un livre culte. L’original anglais d’un autre
livre de la série des Bandini, Ask the Dust, que je reprends pour me remettre en tête et la farine et le moulin, est plein de cet élan de la littérature américaine off-beat, au schéma
pour longtemps éprouvé semble-t-il : un paria sans le sous, mais passionné de littérature, fréquente les bibliothèques municipales au point de se rendre compte que la littérature de son pays
manque d’air (nous, nous avons le malin Céline, son écriture prolo pour styliste chevronné). Quelques aventures sexuelles ratées puis réussies conduiront le héros vers l’Âge d’homme où il
deviendra best-seller sous le nom de Joe Dickers (le frère mormon de Dick Rivers). La pauvreté de la traduction surtout m’étonne ; le texte aurait vécu si le français avait pu suivre : rien n’est
idiomatique dans cette salade rapidement touillée alors que l’original américain repose sur cet impératif ; une phrase de cette pelote disqualifie à vie toute la chaîne du livre. À moins d’y
attacher le chien Stupide.

 

Ce qui fut fait.

 

Il est aussi possible que la littérature contemporaine américaine soit en deçà de la réputation qui lui est faite, à l’exception de quelques écrivains, West et
Vonnegut en tête, peu lus en France. Ou bien les traducteurs ignorent la langue dans laquelle ils traduisent. Ou bien ils ne savent pas écrire. Vian a montré qu’on ne pouvait traduire un livre
qu’en l’écrivant.

 

Le lecteur s’est habitué aux phrases mortes. Sa revue littéraire est formelle : « C’est
un chie-d’œuvre !
»

 

(– Oï va voï, ma mère !)