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Je commence maintenant mes lectures par l’achevé d’imprimer. Une toquade, un snobisme. Souvent, après lecture, je renonce au livre. Ainsi du livre prometteur de Jean-Luc Steinmetz, L’autre saison, que Les éditions Cécile Defaut publiaient récemment. Cécile-zéro-Defaut, c’étaient de très beaux livres, élégants et pensés, reliure souple, papier soyeux, cahiers et fil, textes exigeants. C’est aujourd’hui des bouquins rêches, déconfiture des pages à peine collées, brève échéance promise aux contenus. Le fil a disparu, le soin est moindre, fabrication bulgare (malgré le subterfuge consistant à indiquer le siège parisien d’une entreprise qui délocalise).

– Le contenu seul importe !

Et en effet. La puissance subversive des livres est si forte qu’elle se révèle incapable de renverser le modèle de production auquel la petite édition se rallie sagement, tout juste avant de disparaître selon les prévisions dudit modèle caca-pipi-tata-liliste, le seul réellement subversif, pour le coût.

La tendance s’amplifie. Je feuilletais hier le livre de Ian Monk, , édité par Cambourakis qui n’en fait pas mention sur son site. C’est furieux, ça crépite de tous les feux de la révolte, mais sur papier et impression bulgares, en désespoir de fil, un vrai pétrin de colle. Ouvrez le livre, mettez son grand format à plat : le voici mort à vie. Comme l’ouvrier, plus ou moins morave lui aussi. Dans le même temps, des armées de graphistes indépendants acceptent des travaux à bas prix, pour survivre zaussi, renforçant de l’intérieur le modèle économique, culturel et social de la course au meilleur prix du livre.

La tendance du sans-fil s’amplifie : Attila, Inculte, Argol (plus du tout), Tristram, Verdier, Le Dernier télégramme, Les éditions de l’Attente. Certains hésitent.

D’autres, mes amis,continuent, cahiers cousus collés, impression locale : L’Arbre vengeur, Le Bruit du temps, Pierre Mainard, Rue des Cascades, Claire Paulhan, la Collection Orphée.

La réduction des coûts, production à Bakou, est devenue la morale de la petite édition la plus en vue basse. Profitons-en pour la laisser s’éloigner, faire acte de militantisme, lui dire bye-bye, ne plus acheter ses livres à colle sous-payée.

La laisser pourrir sur le côté.