Matricule des auges

1289.

J’ai plongé. Sans même savoir ce qui m’a pris. J’ai replongé et j’ai racheté Le Matricule des anges. Est-ce Viton ?  Est-ce Giraudon ? La rime est dans le crime. J’ai honte. Mais c’est ainsi. Je tiens entre les mains Le Matricule des anges. Mes amis se détournent écœurés. – T’as racheté Le Matricule des anges !  – oui, oui.

Je ne sais pas ce qui m’a pris, un moment ça m’a semblé une évidence, cette brochure sur le comptoir de L’herbe entre les dalles – ce n’est pas tant pour ce qu’il y a dedans, je lis les titres et puis je passe à la littérature, les résumés de livres, en guise de critique touristique, ça me fatigue vite et beaucoup.

« David, 40 ans, a été élevé par sa mère et sa grand-mère, toutes deux abandonnées par leur mari qui leur ont préféré l’alcool et la ruse. Elles lui ont appris à détester ces hommes tout en lui répétant qu’il n’était qu’un “modèle en réduction de l’original (…) Comment accepter de faire un enfant à Mina si une malédiction pèse sur lui ?” » C’est le début de la critique. La vie des personnages de roman n’est pas meilleure que la nôtre. Ils sont toi, ils sont moi. Ils se posent des questions pratiques. Comment atteindre le minou de Mina sans faire trop de détours ? À mon avis, un manuel d’anatomie suffirait – une carte routière pour les moins éveillés.

Vous avez remarqué, les critiques vous racontent l’histoire que vous raconte le livre, et puis choisissent deux citations moisies et les voilà qui se sentent quittes des 6 euros que vous avez payé ? C’est une manie chez les critiques. Ils vous racontent le livre quelle que soit la brochure, c’est l’histoire de David, de Dimitra, d’Alice, c’est l’histoire de Paul et Colette, un couple de charmants retraités, qui vivent au terminus de la ligne B du Havre, station La Plage avec vue sur la mer. Texto. Paul s’ennuie. Colette, je ne sais pas trop ce qu’elle fabrique, la citation n’est pas bien claire. Puis arrive dans leur vie Océane, une étudiante pleine de vie. Ce que c’est que la vie, tout de même ! Une pleine-de-vie dans la vie de sans-vie et ça repart mieux que dans un taxi de la Marne. Un couple, une étudiante, tu reprends goût à la littérature. Paul plonge-t-il dans l’Océane sans le dire à Colette ? Pas miette dans le reste de l’article, scanné d’un œil oblique jusqu’à la fin : « Une leçon de citoyenneté. » À mon avis, la trempette c’est raté. Ceux que les histoires de couple attristent pourront tourner les pages et faire connaissance avec l’homme incertain. C’est bien meilleur qu’une évidence.  « Cet homme incertain, c’est le père, et les histoires de père, bien souvent, sont touchantes. » Impossible d’en sortir. Pas le temps de souffler. La littérature, c’est le mariage pour tous, l’album de famille ignifugé.

[Quand même, si. La chronique de Meizoz sur les rebelles suisses (Le Délire général de Niklaus Meienberg), ça m’a intéressé. La Suisse m’émeut. C’est mon côté Milka. J’ai découpé la page et tac ! une punaise au-dessus de mon lit quotidien.]

J’ai retrouvé de-ci de-là des noms familiers, recensés, recenseurs. Et puis celui d’Éric Dussert, qui voue sa vie aux égarés et aux oubliés. Tout nous.

(À quoi tient le militantisme des petits éditeurs militants. D’abord le sabot et bientôt le museau du bouffeur de foin.)

La nuit tombe sur la vérité. J’ai racheté Le Matricule des anges.

1176.

Les critiques du Matricule des ânes ont-ils trouvé le mode d’emploi des Vingt chansonnettes à Mamie Fuca ?

Je cherche la goutte d’eau qui reborde le critique dans sa vase.

Jean-Echenoz a récemment traduit en français basique les Vingt sonnets à Marie Stuart sous le titre accrocheur : Vingt femmes dans le jardin du Luxembourg et dans le sens des aiguilles d’une montre. En vente partouze. ( – Elle est bonne, ta librairie.)

Cédons à la tentation du lard et de la porcherie.

1059.

On trouve tout sur le Net.

 

J’browsais l’aut’ jour au moment de remplir ma d’mande au CNL, et qu’est-ce que j’vois dans le bilan des aides à la publication, à la bourrique
« Revues » ? 

Le Matricule dérange lui-même, premier au râtelier des subventions publiques. À grande lampée en plus, vas-y que j’te ramasse et pis retour direct en TGV
vers Montpellier.

 

21 000 € en 2012.

21 000 € en 2011.

 

J’aurais pu saumoner au-delà, traquer le chiffre, mais j’me sentais pas la vocation du trappeur cânêdien. J’étais un peu défait, c’est tout, bêtement surpris. Moi
qui croyais leur entreprise flottante. Bernique ! Ça prend l’eau de partout leur affaire de littérature pour retraités des hôpitaux de Laval et de la Camif. 21000 € pour explorer à la béquille
les espaces de la création d’aujourd’hui (dernier numéro : Pasolini, un italien). Remarquez j’ai rien contre. Y faut lire ce qu’il dit de Céline, cett’ aut’ crevure des enthousiasmes
publics. Un lucide.

 

Si j’m’attendais…

 

Je ne savais pas que leur mission valait prélèvement sur les impôts du peuple exonéré. Du coup, chapeau ! Respect ! J’m’incline, les gars ! Salubrité
publique. Vous êtes des pauvres utiles ! Heureux les intellos précaires car ils seront bien outillés (la bise) !

 

Pis en même temps, j’me dis, retour d’émerveillement  : pourquoi qui causent jamais de nous au Matricule des banques ? Parc’ que nous on croyait que c’teu brochure n’avait pas d’subvention, qu’elle se vendait à la
seule force de l’esprit militant : La Cause de la littérature, ça donne des droits à ceux qui s’en occupent !

 

Mais là, du coup, sur subventions, c’est plus un choix, c’est une obligation.

 

– L’article on vous l’écrit si vous savez pas vous y prendre.

 

Sur 50 pages de numéro, vous trouv’rez bien une place pour nous, entre copains copines. À ce prix, on a confiance. 

 

Tiens, pour comparaison, La Quinzaine littéraire en a touché 15 000.

 

Pas un navet de plus. Le Matricule, c’est la relève. Ils l’ont bien vu au CNL. Tu peux compter sur eux pour la critique et les phrases en français liquide,
de l’eau de roche, aucune embrouille, tu peux te baigner nu, c’est sans danger pour tes bonbons – qui se sont sûrement dit. L’exception culturelle avec vue sur les rentes.

 

– On leur nourrit la fente !

 

Quand même, 21 000 par an, pour revenir, ça vous bichonne le moral à la hausse. Mais ça donne des obligations, des comptes à rendre à la ration.

 

Au fait, le CNL, sait-il pour vos impasses mesquines (mais on vous en veut pas, on s’en
amuse beaucoup ici aussi) sur les petits éditeurs méritants ?
Leurs sous, ils les épargnent à la sueur des ventes.

 

Car on s’en paye des dîners business à ce prix-là, des bords de mer et des déclarations d’indépendance (jamais pourtant un mot dans l’Édito sur l’assistance
publique). Moi qui croyais que vous viviez sur la revente des exemplaires de presse, c’était une calomnie, ben non, vois-tu, c’est mes impôts qui vous font vivre.

 

Matricule, nous re-r’voilà !

 

L’aubaine.

 

Nous on se sent plus libres de réclamer not’ dû : cinq articles, les lampistes, et on abonne le lapin Gronch, mascotte de notre comité de lecture.

 

 

 

 

(Eh, Dissonances ! Y a du pognon à tirer des soupentes !)