Céline (L.-F.)

257.

Je trouve l’œuvre du vociférateur indispensable à la compréhension de ce à quoi la lecture engage, en ce sens qu’elle confronte l’amateur de l’œuvre célinienne au
nom de Céline et à son contenu sémantique essentiel, irréductible aux affinités sélectives du lecteur.

 

Aimer Céline, c’est affronter sa vision cynique du capitalisme et de l’exploitation coloniale, la guerre comme phénomène naturel, le mépris des pauvres, l’absence
de rédemption sociale, le racisme biologique, l’antisémitisme, l’inflation verbale comme brouillage de la pensée, la disqualification comique, la littérature à son plus haut point d’ambiguïté,
l’émotivité pure…

 

Youpi… (ne) … dans le pied !

 

Au milieu des hurlements des détracteurs, les hurlements des amateurs ne sont pas moins vifs ni moins douloureux. Leurs tentatives prophylactiques de déchirement et
de recollement, par recadrage de la réalité Céline, visent encore et toujours à construire l’image d’un Céline acceptable au-delà des conflits idéologico-littéraires qui ont cours depuis les
années 60 : Céline médecin des pauvres, Céline héros de la première guerre, fourvoyé dans la seconde, Céline rebelle et contre tout, Céline pauvre et martyr, Céline homme /œuvre, Céline
pourchassé, Céline Grand écrivain, Céline styliste émotif, félinophilie de Céline, littérature et pamphlet, Céline haï.

 

Comment aimer Céline aujourd’hui sans les béquilles de cette mythologie caduque ? C’est l’enjeu du jour. C’est une bonne question. 

 

Les idées de Céline, de Philippe Alméras, thèse d’État soutenue en 1987 sous la direction de Julia Kristeva et diffusée plus largement à partir de 1992
(Éditions Berg International), rassemble tout ce que l’on peut savoir sur la question des idéâs de Céline, et des stratégies de l’écrivain, dont les thuriféraires répètent avec un drôle
d’acharnement qu’il n’en a jamais eues. Le Contre Céline de Jean-Pierre Martin, chez José Corti (1997), reprend le dossier littéraire à partir des impasses de la réflexion universitaire
sur Céline.

 

– Les juifs devraient m’élever une statue pour le mal que je ne leur ai pas fait et que j’aurais pu leur faire, déclare Céline Marsac dans une lettre publiée par
Combat le 22 février 1950.

 

La souscription est ouverte. Avant la chasse.

 


 

256.

Plutôt Queneau.

 

Je viens d’acquérir pour une somme proportionnelle l’un des prépuces originaux de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline, converti sur la fin de sa vie, me dit le
brocanteur expert où je l’ai acheté, à un hygiénisme compulsif – Couic tous les matins.

 

– Mais oui, vous avez raison. Toute bonne littérature se doit de faire jaillir la part d’ombre de notre humanité, répondis-je à cet écrivain en lui faisant les
poches (carte bleue, biftons, clés de son appart, main dans la culotte de sa femme).

 

Céline, c’est un peu la révolte de l’académie, l’adolescence universitaire, le fausset des générations, le besoin d’avoir l’air méchant – notre symptôme
national.

255.

Les doigts dans la prose organisent un grand concours d’antisémitisme poétique, qui entend privilégier le sens de la formule sur l’invective caractérisée, de manière à illustrer les ressources hors du commun de la littérature contre la censure vouée à en interdire les formes libres et extrêmes.

Chaque participant.e est invité.e à actualiser les vieilles lunes antisémites au gré de ses fantasmes et à faire varier les registres de l’abjection de manière à les rendre aimables, ludiques et acceptables par le CRIF même.

Envoyez vos textes à Philippe Sollers, président du jury.

À gagner : Un dîner débat sur la tombe de L.-F. Céline en compagnie du sosie de François Mitterrand (selon  disponibilité).

– Meuh… dis dont… C’est quoi ces conneries ?

– Une soirée à Meudon.