Marie Bornasse

918.

La lecture enchantée et goguenarde de Marie Bornasse de Cécile Richard, livre acheté le 6 avril à L’Herbe entre les dalles, apaise mes doutes momentanés sur la littérature. J’ai des passages avides. Depuis huit jours, je
doute, donc je lis. Les délicatesses de l’âme et les fragilités de l’être y sont piétinées d’une page de robustesse à l’autre de grossièreté. L’âme, dans ce livre, a un air de chou-fleur ; le
corps, la densité du chancre. L’exubérance et le mauvais goût offrent au lecteur dépérissant une prose enfin léchée avec la langue. Ça le titille et le réveille. Ça lui bafouille les globes.
Enfin des culs à pleine lampée, des corps à rouler sous la joue, des flux et des débordements sanguins ! Extinction de l’âme et de ses simagrées, le corps de la langue râpe à la tête du lecteur.
En a l’oreille léchée à neuf. Son viscère saute de joie, sa boîte crânienne s’en décalotte l’attente. La prolifération métastatique du gros et gras procure santé et redonne au lecteur épuisé par
les diètes laxatives des éditions de Minuit (un exemple), d’Actes Sud (deux exemples), le souffle du buffle cornu à défaut de l’âme bornée de la mésange. Il y a, n’en doutons pas pourtant, des
délicatesses cachées au fond de l’aisselle de Marie Soleil. Y mettre le nez, s’en remuer la langue. Les maladresses de la syntaxe, moulées sur les rythmes de l’oralité, dont parfois le lecteur ne
sait qui doit les assumer, ont le mérite inestimable d’une prise de risque à quoi devrait se confronter la littérature d’aujourd’hui pour conjurer la mort qui s’étire dans nos yeux.

 

Cécile Richard, Marie Bornasse
Dernier Télégramme, 2012

 

 

Paradoxe évident : les librairies éphémères vendent des livres pérennes ; les librairies pérennes, des livres éphémères.