Lire

1177.

Je n’ai rien contre le plaisir de lire, ni contre Jean-Echenoz (ni-Kerangal), rien non plus contre le lecteur, il a tout mon soutien, un voile pudique jeté sur sa dépouille (Sache aussi que tes goûts sont mortels), non rien absolument, si ce n’est que je n’ai pas le goût des phrases digestives – tisane ou infusion du soir ?

« On passe à table et, bien qu’on ait prévu de petites parts prédécoupées pour l’amiral, celui-ci manifeste une belle adresse pour manier sa fourchette et son couteau d’une seule main – c’est encore qu’au large de Santa Cruz de Tenerife, comme à bord du Theseus il projetait de s’emparer d’une masse d’or convoyée par un navire ennemi, Nelson a été atteint par un tir de mousquet qui, fracturant son humérus en plusieurs points, lui a soustrait l’exercice de son bras droit aussitôt amputé. »

Caprice de la reine

 

Ce n’est pas tant une mauvaise phrase qu’une phrase qui n’y est pour personne, une phrase rincée d’avance, une petite phrase prédécoupée pour un lecteur nourri aux petits riens de l’existence mâchée par la machine éditoriale – des riens portant la mort au cœur des gens et du langage.

 

À chaque parution, Jean-Echenoz est plus qu’un événement, il est notre Chevènement (notre Chirac, notre Hollande), plus qu’une langue, il est notre Jack-Lang, une bourrique essorée qui tourne dans le manège public au trot de petites phrases accompagnées de ce que la sciure absorbe vite – tagada, ploc, ploc. Jean-Echenoz, c’est l’occupation des cerveaux disponibles à l’heure des librairies indépendantes.

 

…lui a soustrait l’exercice de son bras droit…
…lui a soustrait l’exercice de son bras droit…

 

À toi, P.N.A. !

1164.

Donnons du son à la nature hi-han de la littérature ; à la lecture, sa dimension de Talmud Torride©.

Le pique-boeuf fait son show sur le dos du rhinocéros, le critique littéraire sur l’ablette farcie.

1146.

Le cimex lectularia désigne communément la punaise de lit mais pourrait aussi bien remplacer le lecteur pattes en l’air dans le sien.

– Le désert infini de ces espaces réduits me pèse.

Que cette histoire de blatte répugnante rédigée en deux mois par un Kafka rigolard ait d’abord été publiée dans la revue Die Weißen Blätter, en octobre 1915, me semble d’une évidence indispensable à la compréhension de ce qui fait une traduction : l’indifférence à la langue garantie d’origine.

(Je me demande ce que Maylis donne en français. Malice ou limace ? )